Kerviel, le bouc émissaire d’un système pervers…

Kerviel, le bouc émissaire d’un système pervers…

La Société Générale aurait été la victime de Jérôme Kerviel, un trader sans scrupule. La presse n’a pas de mots assez peu élogieux pour qualifier cet employé qui interpelle plus qu’un peu la notion de confiance. Mais la demande de la banque est si délirante qu’elle en perd toute crédibilité : 390.000 ans de Smic, soit  4,82 milliards d’euro. La banque a déjà récupéré 1, 7 milliard d’euro grâce à une défiscalisation opportune. L’ardoise reste chargée et accompagnée d’une peine de prison de trois ans ferme et deux avec sursis. A contrario, Jérôme Kerviel se présente comme la victime d’un complot. Sa thèse est que la Société Générale a cherché à lui faire porter le chapeau des subprimes. L’affaire est en appel et la décision sera rendue le 24 octobre.

Dans l’affaire des subprimes, il est reproché à la banque d’avoir menti sur des caractéristiques des prêts auprès des ménages américains emprunteurs. La Société Générale est la seule banque française a être poursuivie par les autorités américaines, pour un montant d’1,3 milliard d’euros. Ça ne fait pas le compte de Kerviel mais ça donne une idée de la mentalité des dirigeants de la banque à la même période.

Que penser de Jérôme Kerviel ?

Suivant les énoncés du jugement de première instance, la presse a la dent dure. Le journal Marianne par exemple adopte la posture de chien de garde d’un système qui a permis le montage de la plus invraisemblable des bidouilleries informatiques. S’il avait fait gagné de l’argent, certainement que ces mêmes plaignants ne se seraient pas manifestés. La finance n’a de morale que si les banques gagnent. Ce n’est pas sans rappeler les procès en sorcellerie. En attendant, face à un avenir très incertain, la faillite personnelle semble être le seul recours à l’ancien trader.

Dans un contexte où il était déjà fortement question de moralisation du système capitaliste, de placer sous haute surveillance la spéculation sur l’argent, une fois que l’on a bien critiqué Kerviel, ses déclarations, son avocat, que penser de ce qu’il a fait ?

Un hacker ?

Jérôme Kerviel serait-il un hacker ? Personne ne semble contester qu’il n’a tiré aucun avantage. Il aurait conduit une opération pour le fun. Rien que pour cela et maintenant, il serait bien embarrassé pour s’expliquer. Un hacker sans discours, mais hacker malgré tout…

Pourtant, s’il sait s’y prendre, c’est probablement maintenant qu’il pourra tirer des avantages, en vendant ses mémoires de trader pirate pour un scénario sans grand suspens. Mais il apparait bien être qu’un instrument, pris dans un tourbillon, un engrenage. D’ailleurs, si sa défense est sans consistance, pitoyable même, incapable de relever les arguments fournis par la partie adverse, l’accusation elle-même ne s’y serait pas trompée.

Un bouc émissaire d’un système pervers ?

Dans son réquisitoire, le procureur de la république fourni les arguments qui permettraient de comprendre que Jérôme Kerviel ne serait pas responsable de ses actes. A priori, il s’agirait d’arguments qui condamnent, mais ils présentent l’accusé comme l’instrument d’un système pervers. Ils décrivent le milieu dans lequel a évolué Jérôme Kerviel, devenant une proie manipulée. Sa volonté aurait été prise dans le tourbillon hypnotique du serpent bancaire :

« On ne peut pas ignorer que les traders essaient de se mesurer entre eux, ni le milieu spécifique des salles des marchés. Jérôme Kerviel a succombé aux marchés, de manière obsessionnelle, à longueur de journée. »

L’accusateur public se rend-il compte qu’il fourni un argument à la défense ? C’est bien cela : succombé… de manière obsessionnelle. Comment imaginer pouvoir résister à cette attirance aussi violente ? Comment résister à une obsession ? C’est le procès de la tentation qui est fait, un procès religieux. Avec un peu de recul, on peut voir ici un montage sectaire, avec son système accusatoire et son bras armé d’un glaive. Le système bancaire porte le germe de ses tentations. Le procureur aurait pu dire la preuve de l’immoralité environnante, le système bancaire a bien fait les subprimes… Mais l’immoralité de l’un justifie-t-il l’immoralité de celui que l’on peut plus facilement poursuivre et détruire ?

D’ailleurs, à en croire cette accusation :

« tous les traders ne font pas des faux pour cacher leurs positions, tous ne prennent pas des positions ouvertes extravagantes (…) »

Tous les anges ne deviennent pas des démons. Dans cette immoralité ambiante, tout ne va pas si mal. Le système judiciaire vient au secours de l’institution bancaire. Elle trouve en lui les travers de l’irresponsabilité et en fait des arguments pour lui attribuer a contrario la responsabilité juridique :

« Ne minimisons pas son comportement pervers et manipulateur ».

Non, il ne le faut surtout pas : comportement pervers et manipulateur. Il ne manque que le bûcher. Enfin, l’accusation s’envole et déclare que :

« Si Jérôme Kerviel est victime de quelqu’un, ce n’est que de lui-même… »

Une victime peut-elle être responsable de sa situation, de sa condition et de ses actes réactionnels ? Les propos de l’accusation sont clairs et fournissent à eux seuls les éléments permettant de disqualifier tout le système dressé contre Jérôme Kerviel.

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