A propos de la liberté d’expression sur les religions, le respect des valeurs et des croyances

A propos de la liberté d’expression sur les religions, le respect des valeurs et des croyances

Qu’est-ce que la religion ? Qu’est-ce que croire, qu’est-ce que savoir et l’ignorance aussi ? Pour croire, il faut que le doute cède le pas à la confiance. Une confiance inclinée. Le doute de la raison est renvoyé, courbée, dans le foyer émotionnel. Là où les sentiments s’entrechoquent, la raison devient suspecte et le doute qui l’instrumente est transformé en suspicion. Le phénomène religieux patauge dans ce bain où règne l’ignorance, refouloir de la recherche du savoir.

Chercher à savoir, c’est chercher à briser des repères fournis par l’interprétation religieuse. C’est ce qui fait l’originalité culturelle : des croyances transformées en religion d’Etat, caricatures de l’ignorance et de la connaissance. Ainsi, les réalistes peuvent revendiquer la caricature comme un droit, au nom de l’égalité des droits autant qu’au nom de la liberté d’expression.

La liberté ne consiste pas à imposer aux autres les limites de nos acceptations, ni de nos intolérances ; la liberté ne consiste pas non plus à imposer nos craintes, ni à les transposer comme autant d’obligations sur les autres. La liberté est une démonstration d’accueil des différences.

La liberté, c’est pouvoir se scandaliser et réfléchir sans incriminer qui que ce soit.

Je me souviens de cette personne très impliquée dans le développement personnel. Elle avait acheté les droits d’une méthode américaine, et disait qu’on n’avait pas le droit de faire ceci ni cela. Un jour où elle se montrait moralisatrice, avec ce ton que les humanistes savent prendre pour dire que ce n’est pas de la morale, mais quand même ceux qui ne sont pas d’accord avec eux exagèrent, nous avons eu à peu près l’échange suivant. C’était un homme :

  • Moi : Tu as vraiment de la chance toi, au fond.
  • Lui : Ha, pourquoi ?
  • Moi : Avec tous les interdits que tu as, ta vie peut être une conquête permanente pour autant de libertés.
  • Lui : Mais la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, c’est un droit.
  • Moi : La liberté n’est pas une propriété.
  • Lui : C’est quoi alors ?
  • Moi : La liberté est plus sûrement une faculté qui se développe par l’éducation.
  • Lui : On est libre de croire et l’exercice de toute liberté doit être respectée.
  • Moi : On est libre de ne pas apprendre quelque chose, mais ça n’en fait pas un droit que l’on peut imposer aux autres. Etre croyant, c’est comme l’ignorance, ça ne s’apprend pas. Etre libre, cela peut s’apprendre.
  • Lui : Chacun a droit au respect de ses valeurs, comme de sa vie privée !
  • Moi : Personne n’est obligé de maintenir son attention sur quelque chose qui lui déplait. Il y a une certaine complaisance avec ses propres turpitudes à prêter une attention importante pour quelque chose qui déplaît.
  • Lui : Personne n’a le droit de proférer des insultes à propos de ce à quoi on croit.
  • Moi : Oui, c’est plus facile de procéder à la manière constatée par Luigi Pirandello « Chacun de nous projette un univers dans lequel il s’enferme et les autres avec lui. » – il faut préciser : un univers d’interdits, de restrictions et d’empêchements.
  • Lui : Les valeurs sont ce qui permet la vie en société.
  • Moi : C’est encore une confusion entre l’apprentissage d’une discipline pour pratiquer la liberté et la soumission à des règles pour fataliser sur la servitude obligatoire.
  • Lui : Avec ce genre de raisonnement, c’est le grand n’importe quoi. Tout le monde va faire ce qui lui plait et les plus faibles vont encore plus en pâtir.
  • Moi : C’est bien cela : le modèle féodal est si fortement ancré que la défiance est la règle comme la gestion (l’entretien) de l’adversité, au lieu de la confiance et la promotion de l’altérité.
  • Lui : Mais bien sûr, il faut que les gens se soumettent à des règles. Ces règles sont des héritages de ceux qui les ont expérimentés et ont tout fait pour nous transmettre ce qu’ils ont conçu de mieux. Les valeurs morales en font partie, c’est un patrimoine.
  • Moi : La soumission appelle la domination. L’éducation pourrait consister à permettre aux futurs citoyens de s’approprier des principes de comportement, en s’impliquant plutôt qu’en se soumettant. La soumission appelle systématiquement la rébellion avec toutes ses conséquences dramatiques, dont il est aisé d’accuser les acteurs.
  • Lui : On pourrait enseigner les croyances dans les écoles de la république, puisque ce sont des écoles où tout peut s’enseigner.
  • Moi : Oui, bien sûr, et la matière pourrait avoir pour but : “Comment se contenter de croire plutôt que de chercher à comprendre” et elle serait nommer : “Culture de l’ignorance”.
  • Lui : C’est agressif ce que tu dis.
  • Moi : La vraie agression, c’est quand tu n’es pas libre.
  • Lui : En quoi mes croyances peuvent t’agresser ?
  • Moi : C’est comme si tu avais des barreaux devant toi que tu contestais. Lorsque j’arrive en face de toi, ces barreaux s’imposent à moi.
  • Lui : mais je ne t’impose rien.
  • Moi : Ha si, le silence sur ce que je constate.
  • Lui : et si tu te trompais ?
  • Moi : Tu serais trop content de me le démontrer, mais au lieu de cela, tu cherches à m’imposer a minima le silence, au nom d’une invention mystique ; ainsi tu prétends m’imposer une limitation qui t’appartient. Si ma quête de liberté relationnelle t’interpelle, je n’y suis pour rien. Vois-tu, la liberté des uns ne s’arrête pas à celle des autres, elle s’étend au travers de celle des autres.
  • Lui : Alors j’aurais de la chance de devoir me défaire de ce qui me limite dans ma vie ? Mes habitudes ont un certain confort.
  • Moi : Probablement une question de sens de la vie. Il n’est pas sûr que l’on puisse jamais pouvoir démontrer qu’elle en a un. Mais en tout cas, la liberté ne consiste pas à imposer aux autres les limites de nos acceptations, ni de nos intolérances. Elle est plus sûrement une démonstration d’accueil des différences.
  • Lui : Alors c’est moi qui exposerait mes croyances en les exprimant et ceux qui les critiqueraient ne feraient qu’exercer une sorte de droit de réponse ?
  • Moi : Dès lors que tu affiches une idée, les autres ont le droit de la contredire, de s’en moquer, de la tourner en dérision. C’est à toi de considérer si tu veux ou pas poursuivre la discussion. Rien ne t’oblige. Plus tu vas y prêter attention, plus tu vas donner de l’importance au sujet. C’est le principe de la surenchère qu’il serait temps que tu intègres dans ta vie.
  • Lui : Ne sois pas désagréable.
  • Moi : C’est une perception.
  • Lui : Bref, la seule manière pour que mes croyances ne soient pas vilipendées est que je n’en dise rien et ainsi que je les laisse dans mon espace privé. Si je révèle mes croyances, il ne faut pas que je m’étonne de déclencher des contradictions et des moqueries éventuelles de la part de ces petits malins qui aiment bien pratiquer l’estocade avec les mots. Ma liberté est de laisser les autres en dehors de mes limites d’acceptation et de pratiquer l’accueil que j’attends d’eux…
  • Moi : Tu vois que tu as de la chance. Plus tu as d’interdits, plus tu as de libertés à conquérir. Donc, si tu veux rester chanceux, surtout ne t’instruis pas, ni de tes interdits ni de tes libertés.

Et si nous élevions un autel à Cabu, Charb, Honoré, Tignous, et Wolinski ? Nous aurions l’Olympe de la caricature. On n’aurait pas le droit de parler d’eux de manière sérieuse. Les prières se feraient à grand coup de crayon sur des rouleaux de papier. On ne pourrait avoir que des traits qui cherchent à déclencher le rire, avec bien sûr, quand même, le droit à l’erreur, même avec des traits à la con.

Je suis pour que le 7 janvier devienne la journée internationale de l’humour, de la caricature, de la dérision, du sarcasme. Il en va de la reconnaissance du droit de déconner, sans risque de dérapage.

Dans les pays comme le Burkina Faso ou le Mali, il leur suffira d’étendre la pratique de la parenté à plaisanterie pour que la raillerie soit reconnue comme un droit humain de se bidonner des arguties et arguments des autres.

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