Il aura fallu une mobilisation internationale. Il aura fallu l’armée de l’OTAN. Il aura fallu des livraisons massives d’armes sans précédent pour arriver au bout de l’organisation libyenne. Il aura fallu des mensonges en nombre, servis notamment par le journal Le Monde, et relayés par de nombreux organes de presse, dans le but de convaincre l’opinion publique occidentale du bien fondé de l’intervention militaire. Voici l’État Libyen menacé de démantèlement. Sa reconstruction va dépendre de la capacité des futurs dirigeants à s’appuyer sur les anciennes administrations. Les fondateurs du CNT semblent être de ceux qui seront en place. En ce moment, les avoirs des Kadhafi, des milliards d’euros dispersés dans on ne sait combien de pays, gelés par les gouvernements, dont un bon nombre de représentants ne regrettent qu’une chose : ne pas pouvoir ouvrir eux-mêmes les coffres et partir avec quelques paquets de billets et stocks de lingots, à la manière des porte-valises qui ont servi la cause de la campagne présidentielle de Jacques Chirac, de Charles Pasqua, d’Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy.
L’après Kadhafi n’est pas à inscrire sur le tableau des victoires mais des hontes de notre civilisation. La guerre est une indignité humaine. Une indignité humaine se voile et tandis que les responsables sont au pouvoir, l’Histoire est toujours réécrite. Nous en sommes là. Là pour la Côte d’Ivoire, là pour la Libye, là pour l’Iran, là pour la Syrie et là encore pour la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Là pour la Somalie. Là pour l’Afghanistan. Là. Las…
Obtenir la chute de Kadhafi pouvait passer par bien d’autres moyens que de jeter encore une fois la douleur, la misère et les déchirements. L’après Kadhafi va nécessité de passer par un bilan, accompagné d’un inventaire et suivi d’un projet. Tout ce que les Libyens n’ont pas. Les acteurs actuels du renversement de Kadhafi sont bien moins les Libyens que les bombardements de l’Otan. L’affaire n’a rien à voir avec le débarquement des alliés dans une France soumise au pétainisme et à la collaboration avec les nazis. Incomparable. Il faudrait être nul en Histoire pour se plaire à utiliser cette comparaison. Après les attaques provenant de la mer, l’aviation a joué un rôle décisif dans la chute d’un régime implanté, apprécié et soutenu. Au final, le projet va être celui de ceux qui vont avoir gagné la guerre. Et ce n’est pas le peuple libyen… Le peuple libyen l’apprendra assez tôt et tout philosophe charlatan qui se plait à se rouler dans la fange guerrière préfère évidemment le sacrifice héroïque des autres au sien qui aurait le mérite de le rendre silencieux.
La résistance sur six mois de l’armée et de la population favorable à la Jamahirya mise en place par Mouammar Kadhafi en Libye depuis le 2 mars 1977 témoigne d’une forte intégration du système. Il ne va pas être simple de maintenir le niveau de développement humain dans le pays, reconnu internationalement. Il ne va pas être simple d’effacer le modèle développé par Kadhafi, sans provoquer des nostalgies, des regrets, des rancœurs et donc des rancunes.
L’après Khadafi risque d’être plus compliqué que l’après Zine el-Abidine Ben Ali. Il risque d’être moins simple que l’après Laurent Gbagbo. La différence est dans le projet. Alors, probablement que pour aider la Libye à sortir du chaos dans lequel l’OTAN l’a plongée, il conviendrait d’envisager de la soutenir. Le fantasme occidental n’est certainement pas de faire de la Libye une Allemagne africaine… Alors, pour aider la Libye ?… Et si la dynamique de bonnes intentions est authentique, alors ça devrait être le tour de la Syrie et quand la Corée du Nord ?