Justice

Le droit et le travers

Le monde du droit est celui d’une fiction, un univers étroit où un non-fait devient un objet de spéculation autour d’un trou béant pris pour un lieu ou le plein est le vide. Jean Giraudoux a écrit sur le sujet :

… le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. La guerre de Troie n’aura pas lieu (1935)

Jean Giraudoux

Les vingt ans de la médiation judiciaire au civile

Modes amiables de règlements des différends - médiation et conciliation

Modes amiables de règlements des différends – médiation et conciliation

La loi qui a institué le recours à la médiation en matière civile date du 8 février 1995. Vingt ans plus tard, un rapport de l’inspection générale des services judiciaires sur le développement des modes amiables de règlement des différends dresse un bilan peu élogieux du recours à la médiation judiciaire dans les affaires civiles et notamment familiales. Malgré cela, les auteurs recommandent le maintien du même système, en en renforçant les mêmes travers. Pourquoi et comment ?

Les médiateurs professionnels ont cherché à comprendre. Le document a fait l’objet d’une lecture rigoureuse.

En conclusion, les motivations des auteurs ne semblent pas être celle de servir les intérêts des justiciables pas plus que de déjudiciariser les différends… Toutefois, les professionnels de la médiation ne souhaitent pas en rester là et ont décidé d’offrir leurs réflexions pour apporter à la médiation le professionnalisme nécessaire à l’amélioration du service public.

Aux instances politiques de savoir sortir des jeux de lobbying et des corporatismes et prendre leurs responsabilités.  Lire l’article sur l’officiel de la médiation =>

Le juge peut-il être médiateur ? Quelle cohérence ?

JurisprudenceCes derniers jours, j’ai eu un peu à faire concernant la question de la “profession de médiateur” qui tend à être dénigrée par des professions qui exercent sur les litiges. Sur une publication diffusée par abonnement, LalettreA, qui se revendique la lettre de tous les pouvoirs (9 avril 2015), je suis présenté comme l’adversaire de la médiation sous contrôle des professions juridiques. Je n’ai pas eu mon mot à dire : personne ne m’a interviewé. J’ai contesté le contenu, mais seule les erreurs flagrantes ont été corrigées (sigles et fonctions qui étaient erronés).

Il est quasi vain que je rappelle que je ne suis pas adversaire du droit, et qu’au contraire, je pense qu’il faut que les pouvoirs des juges soient renforcés pour permettre à la médiation dans le contexte judiciaire de bénéficier de meilleures conditions d’exercice. Je suis seulement pour le développement de la médiation professionnelle, indépendante, neutre, impartiale, pratiquée par une profession cohérente dans son positionnement sociétal.

C’est clair que la naissance d’une profession est susceptible de déranger. Dans le domaine des conflits, il semble évident que chercher à faire une place importante pour cette profession n’est pas bien vu. De là à dénigrer systématiquement, c’est … bon d’accord, c’est le jeu habituel des mécontents.

Qui se considère “médiateur” aujourd’hui ?

Les réponses pleuvent avec autant de revendications de légitimité naturelle. On se sent médiateur dès lors qu’on a un peu de bonne volonté. Et comme on pense en être mieux doté que tous, on se sent quasiment tous médiateurs. Descartes y aurait vu une parenté avec cette raison que Pascal a dévoyée. Tous ceux qui ont un peu de temps et des bonnes intentions, quitte quand même à en tirer quelque rémunération, se sentent “médiateur naturel”. On retrouve un grand nombre de candidats à la quête de reconnaissance par la psychologie familiale, du travail, du social, de l’intime. Mais dans la pratique contentieuse, des fonctionnaires, des avocats, des magistrats, des huissiers, des notaires se revendiquent aussi médiateur, avec cette bonhomie de notable qu’il conviendrait de ne pas contrarier.

Que les choses soient claires : les médiateurs professionnels travaillent depuis le commencement de leur développement avec des avocats. L’école professionnelle de la médiation et de la négociation – EPMN – à Bordeaux, Lyon, Paris, et dans les Caraïbes et aussi en Afrique – forme des avocats, des notaires, des huissiers, des juges. Mais le fait de se familiariser avec la médiation professionnelle fait-elle un médiateur professionnel ?

Le juge médiateur

Concernant le juge, certains viennent défendre que celui-ci pourrait faire médiateur. Juridiquement, c’est possible. Mais il ne s’agit pas de s’en tenir à l’esprit de la loi, il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de contradiction, de paradoxe, d’aberration à mêler les deux rôles.

Allez, je prends une affaire qui oppose deux voisins, pour une question de bornage. Admettons que cette affaire vienne devant le juge. Le juge rend une décision. Appel, pas appel, peu importe. La décision est rendue et supposée s’imposer aux deux parties. Voici deux personnes, l’une gagnante, l’autre perdante ou les deux renvoyée dos-à-dos, soumises à la décision. Maintenant, admettons que cette affaire n’ait pas été envoyée devant un juge, et qu’elle ait fait l’objet d’une médiation. Admettons même que l’accord adopté par les protagonistes contienne les mêmes dispositions que la décision judiciaire. Quelle est la différence ? Oui, certes, on aura gagné du temps, oui certes, l’Etat aura fait des économies, oui certes, les parties n’auront pas eu des frais de justice et peut-être d’avocats. Certes. Mais la différence dans l’exercice de la citoyenneté n’est-elle pas plus intéressante en ce que les parties ont pu avoir une extension de leur liberté de décision ? C’est là tout l’intérêt de la médiation professionnelle, de la médiation obligatoire, du droit à la médiation. L’enjeu se situe non pas sur le terrain financier, économique ou d’Etat, tout cela doit être vu comme ça l’est, secondaire. Parce que la chose la plus importante est la progression sociale de la liberté et ce qu’elle apporte non pas à l’idée illusoire d’une civilisation mais à la démarche évolutive de l’humanité.

Alors quoi ? Revenons à l’intervention du tiers.

Comment le juge peut-il trancher s’il sait pertinemment que les parties pourraient trouver un accord si elles venaient devant lui en tant que médiateur ? Curieuse posture intérieure.

Qu’est-ce qui change quand le juge est formé à la médiation professionnelle ? S’il est formé à la médiation (j’ai bien écrit “médiation” et non “médiation professionnelle), rien ne change : il exerce en tant que juge et il croit qu’il est médiateur. Mais s’il est formé à la “médiation professionnelle”, il sait qu’il peut enjoindre les parties d’aller en médiation et le faire avec force. Il leur recommande de s’impliquer dans le processus plutôt que chercher à le fuir. Il fait cela systématiquement parce qu’il sait que le conflit est chargé de contraintes et que l’autorité exercée est une contribution à l’exercice de la libre décision et non une contrainte réelle, de même que l’obligation d’éducation.

Le juge formé à la médiation professionnelle est aussi mieux outillé pour mettre en pratique sa mission de conciliation qu’il préfère au jugement. Il sait que les parties d’un différend plongent facilement dans l’adversité, bien plus par ignorance de savoir faire autrement que par une volonté délibérée. Il en connaît l’instrumentation et probablement aspire à la pratiquer.

Lorsqu’en dernier recours, le juge est amené à trancher, il peut oser indiquer dans sa décision que les parties peuvent encore trouver un accord en se faisant aider d’un médiateur professionnel, mais qu’à défaut, c’est sa décision qui s’impose regrettablement.

Et le juge formé à la médiation professionnelle sait aussi que cette discipline n’est pas une pratique réservée au judiciaire, qu’elle est totalement extérieure à l’idée de justice, puisqu’elle se fonde sur la recherche sur ce qui favorise les relations, la qualité relationnelle, le mieux vivre ensemble. Ainsi, il est illusoire de chercher à judiciariser la médiation professionnelle. S’il y a médiation judiciarisée, comme tend à le faire la commission de Taubira, elle sera une médiation se servitude non de libre décision.

Mais c’est vrai aussi que des personnes, juges ou pas, formées à la médiation professionnelle perte de leur posture et de leur exigence en n’entretenant pas leurs acquis et en bricolant au lieu de continuer à se former à la rigueur.

La médiation plurielle et la médiation professionnelle : un nouveau droit

“Médiateur” ? Depuis quinze ans que j’ai écrit le premier livre de formation sur la médiation et que j’ai initié la médiation professionnelle, j’ai vu beaucoup de personnes à s’imaginer le devenir et autant à se revendiquer compétents. Les réseaux sociaux exhibent les revendications.

La médiation professionnelle, imitée pas égalée

De l’activité d’hier, aujourd’hui, nous pouvons parler de profession grâce à tous ceux qui se sont impliqués avec éthique au sein de cette formidable organisation qu’est la médiation professionnelle, avec l’EPMN, la CPMN et ViaMediation. Il a fallu identifier les démarches contraires, écarter l’amateurisme et promouvoir les compétences. Cette recherche a été entendu dans d’autres pays. Certains ont rapidement adopté l’idée de la médiation préalable obligatoire, mais en lui donnant le plus souvent une forme juridique, mélangé de psycho et de morale. Ce n’est pas cela la médiation professionnelle. La médiation professionnelle est associée à la liberté. Elle est indissociable de l’égalité des droits, de la liberté d’expression et bien évidemment de la liberté de décision.

nuage médiateur

La médiation professionnelle poursuit l’oeuvre révolutionnaire des acquis de la Liberté et de l’Egalité. Elle invente un renforce l’exercice de la liberté, en instrumentant la libre décision avec le droit à la médiation.

Certes de toute évidence, il existe différentes conceptions de l’humain. Elles co-existent dans la société. Elles impliquent chacune ses manières d’aborder la motivation sociétale, la dynamique relationnelle et donc la dynamique conflictuelle. Ainsi, la médiation ne peut pas être une et une seule. Diversité oblige.

Cependant, il existe une transversalité, et c’est avec la rationalité que l’on trouve les fondamentaux, pas les fondamentaux idéologiques, mais les fondamentaux scientifiques. C’est ce qui a permis les avancée révolutionnaire, avec la reconnaissance de la personne en tant que telle ; c’est ce que j’ai cerné et que je propose dans les formations après avoir pu mettre en oeuvre l’efficacité de cette méthodologie fondée sur la rigueur.

Le décret qui ouvre sur l’exercice du droit à la médiation

Avec le décret du 14 mars 2015, si on vous contraint d’aller en justice, vous pouvez exiger la médiation. La médiation vient instrumenter les personnes en conflit qui veulent aller en justice. La justice, c’est aller se soumettre à la décision d’un tiers, la médiation (professionnelle), c’est se faire aider par un tiers pour décider par soi-même.

Comprenons nous bien. Nous avons pu faire entendre que la médiation obligatoire est comme une ceinture de sécurité : elle permet d’étendre la liberté relationnelle sur le terrain où habituellement elle est mise sous tutelle judiciaire, vieille pratique de la féodalité.

Obligation de conseil des avocats

Vous n’avez pas réussi à vous faire entendre par quelqu’un devenu de ce fait un adversaire ? Un médiateur professionnel est compétent pour vous aider sur ce terrain relationnel où aucun autre ne sait faire. Cette médiation fait désormais partie des conditions qui à défaut d’être remplies rendent nulle le recours judiciaire. Ainsi, les avocats se trouvent engagés à assurer leur devoir de conseil sur cette question. Une nouvelle profession émerge : la profession des médiateurs dont vous trouvez les acteurs sur le tableau officiel des médiateurs professionnels.

Une école pour acquérir les compétences de la médiation professionnelle

En attendant, vous êtes “médiateur(e)” et vous pensiez que la médiation préalable obligatoire était un non sens. Venez apprendre votre métier à l’EPMN.

l’EPMN, nous proposons une formation pour savoir comment conduire une médiation performante, efficace et de qualité. Nous sommes les initiateurs du droit à la médiation et de la qualité relationnelle, en tant que discipline : la médiation professionnelle. Vous pouvez acquérir les techniques de la confiance pour aider les autres à mieux structurer leurs pensées dans les moments relationnels difficiles.

La médiation au secours d’un système judiciaire en déroute ?

Christiane-TaubiraLe 9 septembre 2014, la ministre de la justice, Mme Taubira, a annoncé via le Parisien Libéré, qu’un conseil national de la médiation et de la conciliation allait être créé. Cette mesure va avec des restrictions budgétaires et un appauvrissement de l’appareil judiciaire. Pour la Chambre Professionnelle de la médiation et de la négociation (CPMN), seule organisation syndicale et représentation de cette profession émergente, ce conseil national de la médiation et de la conciliation est une nouvelle erreur, alors même que la CPMN a proposé une structure de ce type en 2011.

Depuis notre proposition de 2011, nous pourrions être satisfaits de cette annonce. En effet, cette structure ambitieuse ne saurait laisser indifférents les représentants de la profession de médiateurs. L’idée est issue de nos propositions pour la promotion de la médiation en l’occurrence, plus précisément il s’agissait d’une commission nationale de la médiation que nous voulions plus large. L’instance proposée est restrictive, même si la conciliation y a été raccrochée.

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L’erreur de la “médiation familiale”

Village de la justiceAvant les élections municipales de 2014, la famille était au centre des débats politiques. Il devait y avoir une grande réforme. Après le mariage, ça devait être le tour à la conception des enfants d’être discutée et, dans la logique des choses, venait celui de l’autorité parentale. Il n’en sera probablement rien.

La discussion est encore une fois reportée, laissant croire que les réfractaires à la liberté d’autrui l’emporte avec une surcharge de 700 amendements rédigés pour polluer l’adoption des nouvelles dispositions. Il est légitime de se questionner sur la maturité politique qui accompagne ces textes. Parallèlement, l’obstacle principal réside dans le fait que l’évolution des sciences et des techniques a du mal à rencontrer celui des mentalités.

Dans ces rapports à l’évolution, l’inculture y est pour beaucoup et c’est sur elle que s’affalent les extrémismes qui se font le plus entendre en ce moment.

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Faire du flouze sur le net : le blues du trader !

graphique pour pigeon traderJe reçois une invitation pour devenir trader pour 100 euro de mise : gagner de l’argent en jouant avec de l’argent. Pas l’argent des autres, non, le mien. C’est d’autres qui imagines jouer avec mon argent tandis que je serais censé jouer avec. Je jette ça à la poubelle. Et puis non, tiens, je vais aller voir ce que c’est. Une vidéo. Un certain Eric, voix d’adolescent, cherche à me convaincre de jouer avec les fluctuations d’un marché invisible : style, ça monte, ça descend. Des témoignages tous plus élogieux servent de potiches autour de la vidéo. Une chance sur deux, comme au casino avec les numéros rouges/noires, passe/manque, pairs/impairs. Il fait une démonstration minable, martingale en moins. Chances simples, comme à pile ou face, quoi. Comment ça se présente ? Des graphiques en montagnes russes qui progressent vers une démonstration à 15.000 euro/ jour (350 euro le 1/4 d’h.). Trop fort. Aller, il y a plein de dents de scies et il faut deviner la tendance. C’est le jeu. Ils l’ont appelé à leur sauce “option binaire”. Je consulte la réputation du site sur internet. Oups ! Réputation épouvantable. Il s’agit de Betonspot : cassé de chez cassé.

Après avoir lu une critique dissuasive sur le site qui prétendait m’enrichir, me voilà sur un autre recommandé par le critique averti : Anyoption. Proposition similaire. La réputation faite me conduirait à penser que si je mise ici plutôt que là et que je perds, ça sera normal, mais pas malhonnête. Dans l’autre cas, si je perdais, ça serait aussi normal, mais malhonnête. Vous voyez la différence, bien sûr. Quant à moi, je fais mes statistiques : dans le premier cas, on a une chance sur deux de gagner, dans le second on a un risque sur deux de perdre. C’est évident que ce n’est pas pareil. On se fout de nous, mais dans un cas c’est sous contrôle, comme avec la Française des jeux, pas dans le second. Où donc se trouve la case pigeon ?

AMF

J’ai pu constater aussi que l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) publie une liste de méchants.

Ce qui m’interroge, c’est la capacité de contrôle, de suivi, de pistage de tout notre système politico-règlementaire. La présence en continue de ces sites sur le net a quelque chose de curieux, c’est comme si des escrocs notoires avaient pignon sur rue. Non, ce n’est pas possible…

On ne trouve pas le moyen d’estampiller de manière visible tous les sites repérés comme pratiquant l’escroquerie “url sur toile”. C’est que ça doit être difficile, à n’en pas douter.

Enfin… en attendant le nettoyage, ne plongez pas dans ces pièges.

Entre les idéologies de la justice et la philosophie de la médiation

Idéologie encore

Lisons ces deux segments de phrases :

  • Lorsqu’un individu lambda se décide à saisir la justice…
  • Lorsqu’un citoyen fait appel au système judiciaire…

Est-ce la même chose ? L’expression « individu lambda » équivaut-elle au statut de « citoyen » et le terme de « justice » équivaut-il à l’expression « système judicaire » ?

Idéologie bien sûr

Ce n’est pas simple de se défaire de ses croyances individuelles et pour une civilisation entière de se défaire de ses mythes. Le discours sur la justice est non seulement une idéologie mais un leurre spiritualiste provenant de l’entretien d’un mythe lié à l’exercice d’une bienveillante autorité transcendantale. Alors au lieu de cela, face à toute proposition de progrès, on vient dénoncer une utopie. La médiation professionnelle serait une utopie, le droit à la médiation serait une utopie, l’amiabilisation des différends exposés en justice serait une utopie. Pourquoi risquer s’attaquer de la cave au grenier à nos a priori ? Ayant animé pendant des années des cercles de créativité dans les entreprises, c’était la première chose à laquelle j’invitais les participants pour un résultat toujours opérationnel.

Il n’existe pas d’individu lambda en matière de judiciarisation. C’est une mystification sociologique. Le siècle dernier a été porteur de la consécration de la popularisation de « l’individu moyen ». Par affection latine, il en ressort souvent « lambda ». Les pourcentages alimentent le baratin.

Idéologie toujours

Jadis, on pouvait reprocher aux personnes de ne rien comprendre ; on pouvait fataliser sur la servilité : l’instruction obligatoire n’existait pas. On pouvait manipulait l’ignorance d’autant plus aisément qu’elle se roulait dans la crédulité. En offrant le droit à l’instruction, avec l’instruction obligatoire, on a étendu l’exercice de la liberté. Certes, la crédulité existe encore et c’est là que certains manipulent à l’envi les bonnes gens. Le droit d’apprendre les fondamentaux des connaissances humaines, d’y avoir accès, a connu de nombreux adversaires. La dictature napoléonienne, si adulée par un grand nombre, a participé à sa régression. Les systèmes autoritaires font toujours leurs choux gras de l’étendue abyssale de l’ignorance humaine laquelle, grâce à nos aïeux, s’est réduite. Néanmoins, la servitude exerce sur beaucoup de personnes une attraction au nom des autres, et c’est ainsi que les systèmes autoritaires sont légitimés.

Ainsi, Jean-Philippe, qui me faites le plaisir d’être mon contradicteur sur le forum d’AGORAVOX, vous faites partie de ces promoteurs posés d’un système protecteur des représentations au service de la servitude humaine. Pourquoi pas ? Qu’est-ce qu’on a à faire des droits des autres, alors que ceux dont on dispose nous satisfont ? Qu’est-ce qu’on a à faire de l’illettrisme et de la famine, tandis qu’on sait lire et qu’on a les moyens de réveillonner tous les jours ?

Vous dites : la « justice française est en mauvais état … l’Etat n’a plus les moyens … les juridictions de proximité n’existent plus mais continuent de fonctionner… preuve de la dégradation … » et la médiation serait un moyen qu’on viendrait « fourguer ».

Ce que nous pouvons constater c’est que ce qui conduit les personnes au système judiciaire, c’est comme vous le dites : le même manque d’imagination dont vous faites preuve au nom de tout le monde. On va au juge quand on ne sait plus faire autrement. On a recours à un tiers contraignant quand on a atteint ses propres limites. Quand un conflit est résolu, ce que j’entends de la part des anciens protagonistes, c’est « Si j’avais su ! », ce qui témoigne avec constance d’une conscience rétrospective des conséquences de cette regrettable ignorance. Les « médiateurs professionnels » interagissent là. Ils apportent des moyens de connaissance, de réflexion et de décision. Vous, lorsque vous arrivez au taquet de votre imagination, vous supposez que les autres doivent y arriver aussi. C’est alors que vous justifiez le recours au système de substitution, avec ses voies privatives de la libre décision ; et c’est alors que je vous dis « Aidons les citoyens à réfléchir pour qu’ils préservent leur libre arbitre. ».

Notez bien que la discussion tourne autour de l’idée que vous vous faites de l’individu lambda et que je me fais de cette personne citoyenne empêtrée dans une relation conflictuelle.

L’utopie que vous mettez à l’index est un processus de créativité très performant appliqué aux relations conflictuelles. Le « médiateur professionnel » que vous rejetez est un tiers formé à la conduite d’un processus d’aide à la réflexion et de décision. C’est ainsi que vous trouvez d’autres idées pour démêler ce que vous avez déclaré « positions inconciliables ».

Une chose encore

Laisser entendre que je suis le porteur d’une parole gouvernementale, en indiquant que « l’Etat fait de la diversion … et que cet article en fait partie », c’est m’attribuer une position que je n’ai pas. Je n’ai pas l’oreille de Christiane Taubira ni d’un(e) autre. Je ne fais partie d’aucun programme. En 2012, notre organisation a proposé la création d’un ministère de la médiation, parce que nous constatons que ça serait opportun au moins pour y voir plus clair et mettre en place une concertation nationale sur ce sujet ; elle porte le projet très intéressant du droit à la médiation auquel vous vous opposez, comme d’autres l’ont fait contre le droit à l’éducation.

Philosophie enfin

La « médiation professionnelle » ne peut exister que s’il y a un Etat de droit, un système judiciaire affirmé, des juges ayant les moyens de leur position affirmée. Cette médiation est l’ultime recours pour préserver la libre décision. Au delà, c’est le juge qui doit avoir les moyens de trancher.

Maintenant, il nous faut convaincre. Face aux idéologies qui participent à l’animation des débats, un peu de philosophie. C’est vrai qu’il y a des expérimentations et que nous progressons en audience. C’est un travail très intéressant et c’est aussi la raison pour laquelle je prends le temps de lire attentivement le sens de vos objections et de vous répondre. En tout cas, vous aurez retenu que je m’inscris dans la lignée de la revendication de l’exercice de la liberté citoyenne et c’est de celle-là qu’il s’agit bien plus que d’une préoccupation de finances de l’Etat. Que trouver à redire si opportunément l’une rencontre l’autre, sinon que nous marchons vers la réalisation de cette utopie, laquelle ne peut que chagriner les autoritaires et réjouir les citoyens.

De l’avocat obligatoire au médiateur obligatoire, une justice en mutation

Uriage 2011-6Pour pouvoir lire cet article dont la suite est publiée sur Agoravox et le Village de la Justice, il convient de considérer que la “justice” est un mythe qui ne permet pas aux personnes de se faire une représentation réelle du système judiciaire. Il n’existe pas plus de justice que de beurre en broche, pas plus de justice que d’ange et de char à soleil. Les décisions judiciaires sont rendues par des personnes qui, de ce fait, en viennent à se substituer aux citoyens dont l’incapacité de s’entendre.

Au civil, déjà, il serait possible d’étendre l’exercice de la libre décision. Il serait possible de mettre en place un système de médiation professionnelle visant à aider les protagonistes à réfléchir plutôt qu’à obéir.

Mais avant d’aller plus loin, il convient de rendre hommage à M° Féral-Schuhl, bâtonnier de Paris, qui a fait de l’année 2013 une année dédiée à la médiation. Les médiateurs professionnels s’engagent sur une décennie de 2015 à 2025…

=> Suite sur Agoravox =>

=> Suite sur le Village de la Justice =>

En cliquant sur la  photo, je vous donne rendez-vous à une présentation que j’ai faite sur l’idée de justice à Uriage, lors d’une conférence sur La justice et ses milieu

Le droit à la médiation, une application de la liberté de décision, écouté par Christiane Taubira ?

A la rédaction de Mediapart,

J’apprends que vous invitez des abonnés à votre rencontre avec la ministre de la justice,Christiane Taubira, ce mercredi 18 décembre, à 18h30.

Etant abonné, je serai intéressé par être présent à cette rencontre dans la mesure où il me serait possible de lui poser une question sur sa manière de concevoir l’évolution de la médiation comme alternative au recours au système judiciaire en France, sachant que l’Europe a incité tous les Etats membres à intégrer la médiation dans ses dispositifs législatifs, notamment en matières civiles et commerciales, et qu’il existe des courants idéologiques et religieux qui tendent à connoter la médiation judiciaire.

Quid donc de la laïcité en médiation ? Quid de la possibilité de faire reconnaître en France le droit à la médiation qui garantit l’exercice du principe de sauvegarde de la libre décision face à l’institution judiciaire dont le principe est de priver les citoyens de leur libre arbitre, ce qui est contraire à la déclaration universelle des droits de l’homme ?

L’état de la législation en France est très équivoque puisque nous avons un décret, pris sous la présidence précédente, qui a des dispositions inconstitutionnelles. Ce décret limite par exemple le recours à la médiation en matière de droit du travail aux seuls transfrontaliers, ce qui implique des droits différents pour les citoyens en fonction de l’implantation géographique de leur employeur.

Des expérimentations sont lancées en France pour tester la médiation préalable. Il s’agit de contextes familiaux. Mais ces expérimentations sont si fortement connotées par l’emprise de courant religieux (l’institut catholique contrôle quasiment l’ensemble des expérimentations) et lobbyistes (avec les professions juridiques), qu’elles ne peuvent aboutir qu’à des résultats très timides.

Quand on parle de citoyenneté responsable, il existe donc une forme de médiation qui ne la promeut pas et c’est pourtant celle qui a ses droits d’entrée au ministère de la justice. Il convient de souligner que les opposants au mariage pour tous sont les mêmes opposants au “droit à la médiation“.

Il existe une école promotrice de la médiation préalable. Elle a initié le droit à la médiation, la conception professionnelle de la médiation. Elle est laïque. Cette école est celle des médiateurs professionnels : l’école professionnelle de la médiation et de la négociation, sis à Bordeaux. N’est-il pas dommageable de constater que c’est une vision carcérale du droit qui prévaut, notamment en mettant aussi en place des “cellules de médiation”, empêchant la médiation de s’épanouir comme instrumentation de la libre décision ?

Je suis à votre disposition si vous souhaitez voir ce sujet également abordé lors de votre entretien avec Mme Christiane Taubira,

Cordialement

Les photos sont de Commons et Wikipedia