Pourquoi les homosexuels veulent-ils se marier ?
En France, la pensée de Descartes, l’avènement des Droits Humains, les progrès scientifiques ont créé des ruptures avec l’obscurantisme sur lesquels reposaient des systèmes d’autorité les plus arbitraires. Nous ne sommes plus dans une société où les conceptions intuitives, les sensibilités morales, les aspirations spirituelles, les fantasmes sociétaux de ceux qui détiennent des pouvoirs s’imposent à tous. Nous vivons dans une société qui ne repose plus sur l’idée qu’une volonté extérieure à l’individu déciderait de son existence.
Nous sommes dans une société qui a évolué vers la reconnaissance de l’individualité. Le droit est remis sur le métier pour l’adapter aux nouvelles considérations et aux besoins de chacun. Il ne doit plus répondre aux règlements de vie de quelques uns au nom de tous. Nous sommes dans une société où le droit est rediscutable. Nous passons d’une société de droit, c’est-à-dire de contrainte, à une société de médiation, c’est-à-dire de recherche de consensus. Les repères sociétaux ne vont plus du nivellement collectif à l’individu, mais de l’individu à l’intérêt collectif.
Nous sommes dans une société où l’effacement individuel devant la représentation collective ne s’impose plus. Il ne s’agit plus de traiter tout le monde selon les conceptions de quelques uns, mais de reprendre les éléments de droit pour permettre à chacun de ne pas se sentir déconsidéré par rapport à qui que ce soit. L’inversion anime le nouveau paradigme. Et le mariage, qui peut sembler être l’un des fondamentaux de notre organisation sociale, fait partie de ces repères qui sont légitimement revisités.
Du retournement de l’aspiration individuel au fantasme spirituel en société
Qu’est-ce que le mariage ? Une décision sociétale ou un choix entre des individus ? Si l’on retient que le mariage consacre un choix fait au nom de l’antériorité, pour une continuité de l’historicité, alors le mariage n’est pas une décision des individus. Il s’agirait d’une décision collective prise à l’initiative d’un groupe, selon les règles plus ou moins claires, ou des rites plutôt magiques. De ce fait, le mariage dépasserait l’individu et ne correspondrait pas plus à son choix qu’à une question de volonté. Des personnes s’uniraient parce qu’une force supérieure les y pousserait et les règles du mariage s’imposeraient pour empêcher leur remise en cause. Mais alors qui serait le rédacteur de ces règles ? Comment auraient-elles pu évoluer ? Comment se ferait-il qu’elles n’aient pas toujours été édictées et que par exemple elles n’apparaîtraient pas dans les textes sumériens, bien plus anciens que les textes bibliques qui ne les célèbrent pas plus ?
Si la mémoire collective existait, il serait possible de dire si le mariage a été encouragé à une période où la sédentarisation était une préoccupation pour ceux qui dirigeaient la société. Mais si le futur est un monde d’hypothèses, le passé est une source inépuisables d’interprétations.
Le mariage contre l’instabilité affective et pour la normalisation relationnelle
De tout temps, le mariage a résulté d’une implication individuelle, qu’il ait été imposé aux mariés ou choisi par eux. Le mariage traduit une volonté déclarée de montrer un lien de deux individus à l’ensemble du corps social, comme la sédentarisation a conduit les individus à se reconnaître dans une identité collective.
L’évolution des rapports sociaux a fait reconnaître le droit au divorce, comme l’identité collective se repousse au delà des frontières. On accepte désormais que le lien affectif n’existant plus, il en reste un lien contractuel qui peut être rompu. Conséquemment, si le mariage est considéré comme un élément fondateur de l’organisation sociale, le divorce en est devenu son pendant. Contexte d’affrontements et de troubles multiples, le mariage ne pouvait tenir dans une société où la vie se prolonge. Ainsi, plus sûrement que le mariage, le divorce est facteur de paix sociale.
Si au moyen-âge le mariage a pu représenter un outil au service de la consolidation sociale, en conjuguant sédentarisation avec la foi et la fidélité, dans notre société, le mariage ne peut être considéré que comme un élément contractuel. En conséquence, à ce titre, il serait discriminatoire de ne pas autoriser toutes les personnes de pouvoir le conclure.
La loi du futur tournée vers le présent
Sachant que le mariage est en voie d’extinction, l’offrir aux homosexuels pourrait sembler mesquin. Mais si le mariage peut traduire la chance de se sentir sécurisé dans une relation amoureuse au sein d’une organisation sociale, tout en ayant vécu une période extraordinaire de normalité, pourquoi en priver qui que ce soit ? C’est donc moins en raison de l’égalité que ce droit doit être réformé, mais plutôt au nom de l’altérité. Le droit au mariage ne porte pas atteinte à celui au célibat. Ceux qui font ce choix, hommes et femmes d’église, privent l’humanité de leur potentiel géniteur et personne ne songe à leur en faire reproche. Ainsi droit au mariage et droit au célibat relève d’une liberté aussi fondamentale que du droit de disposer de son corps.
Le code civil n’a rien de magique. Souhaitons à aucune génération d’avoir un code sur lequel elle ne pourrait revenir. Le droit est appuyé sur les ruines du passé et il régit le présent. Il tend à retenir les changements et les progrès.
Habituellement, le droit provient du passé. Avec des réformes de ce type, nous offrons aux générations futures une plus grande facilité relationnelle. Nous leur offrons des réponses de liberté. C’est ainsi que le droit peut commencer à s’inscrire dans une démarche anticipatrice. En cessant d’être contraignant, il devient émancipateur.
== A voir également, si vraiment vous disposez de temps, entre minuit et six heures du matin, l’enregistrement de l’audition des représentants religieux par la commission parlementaire, du 29 novembre 2012. A noter que les libres penseurs n’avaient pas été invités. Mais ils ne sont pas organisés en religion…
Commentaires (2)
Le sujet de l’adoption n’est pas évoqué dans cet article , est-ce volontaire ? Un même mariage ouvrant les mêmes droits pour tous ?
Dès que l’on abonde dans le sens de l’union libre de personnes de même sexe, le droit d’élever des enfants va de pair … et mère.