Le mouvement de la Manifpourtous a fait reporter le projet de loi famille. Victoire ! Mais les manifestants savent-ils vraiment contre quoi ils ont manifesté ? Les slogans étaient réchauffés, les mots d’ordre étaient faux, la cause n’avait rien à voir avec le but affiché, tout était bidonné et pourtant, marionnettes dont le porte-voix était le ragot, les leaders ont réussi leur coup. Pourquoi ? Comment ? Trop forts !
La grande manipulation
Le mot d’ordre lancé par les leaders de ce mouvement était de se rassembler contre la “familiophobie” du gouvernement. La mobilisation se faisait au moyen de rumeurs lancées sur le net selon lesquelles :
- le ministre de l’éducation voulait faire enseigner la “théorie du genre”, ce dont il n’a jamais été question
- la procréation médicalement assistée (PMA) était dans le projet de loi, ce qui est totalement faux
- la gestation pour autrui (GPA) serait mise en place, ce qui n’était pas non plus dans les textes
Alors quoi ? Pourquoi tant de bruit ? Pour le plaisir de venir contrecarrer quelque chose qui n’était pas prévu ? Non, bien sûr. Il suffit de s’intéresser au contenu réel de ce texte et on trouve ce dont les leaders traditionalistes ne voulaient pas.
Les leaders apparents du mouvement de la manif pour tous et leurs copains…
Ludovine de La Rochère, née Mégret d’Étigny de Sérilly, est présidente de La Manif pour tous, chargée de communication à la Fondation créée par Jérôme-Lejeune, décédé en 1994, docteur honoris causa de l’Opus Dei dont il était membre, connu aussi pour ses positions antiavortement. Elle a été secrétaire générale de la revue Commentaire, laquelle serait la « seule revue intellectuelle de droite qui compte vraiment », selon Olivier Corpet, alors président fondateur de l’Institut mémoires de l’édition contemporaine. Elle a également été chargée de communication de la Conférence des évêques de France, avant de l’être pour la fondation Jérôme Lejeune qui continue à la salarier pour qu’elle ait tout le temps nécessaire à son action militante.
Frigide Barjot, pseudonyme de Virginie Tellenne, dont le sens même du calembour n’est pas autre chose qu’une négation de la féminité et suggérant l’excision. Comique logée pendant des années aux frais des contribuables parisiens, elle se proclame attachée de presse de Jésus, se déclare contre la distribution des préservatifs, même en prévention du sida, contre l’IVG et commet une chanson qui en dit long sur ses préconisations sexuelles, son exhibitionnisme militant autant sur le cynisme de ses théories : “Fais-moi l’amour avec deux doigts”, soutenue par Thierry Ardison.
Bruno Tellenne, frère de l’animateur de télé Karl Zéro (Marc Télenne), est le conjoint de Frigide Barjot. Il utilise un pseudonyme Basile de Koch, pour “bacille de Koch”. Sa mère est animatrice de la chaîne de télévision catholique : KTO. Pasticheur, il est coauteur d’un livre défendant les théories de droite extrême “la Préférence nationale, réponse à l’immigration“, chez Albin Michel, dirigé par Jean-Yves Le Gallou, membre du Front national, paru en 1985 et signé du Club de l’Horloge, cercle politique ultradroitier.
On comprend mieux les intérêts servis et comment une médiatisation aussi forte a été apportée au projet délirant de personnes qui utilisent des pseudo ridicules. Le couple était la médiatisation et désormais, ça risque de faire long feu puisque les relais ne seront plus là.
Enfin, c’est quoi toutes ces organisations qui sont mobilisées ? Rien, “coquilles vides“. Mais ! Mais poches pleines : la majorité des associations revendiquées dans le collectif sont des associations inexistantes ou créées par les mêmes personnes, une habitude dans ce petit monde associatif du détournement qu’en d’autre temps on appelait des “faux-nez”. La réponse à la question mais d’où vient l’argent des organisateurs semblent pouvoir être de ces associations proches de l’Eglise catholique : Alliance VITA, Familles de France, Associations familiales catholiques, et de la mouvance National Organization for Marriage. Tiens donc, on y trouve des associations de la vieille garde de la droite politique subventionnées par l’Union nationales des associations familiales (UNAF)…
Qu’y avait-il réellement dans le texte que le gouvernement n’a finalement pas maintenu ?
Le contenu de ce texte peut sembler anodin par rapport à ce qui était hurlé. Il pourrait sembler bizarre que pour un contenu sans rapport avec les protestations, une pareille mobilisation ait pu être mise en place. Mais il en allait de bien d’autre chose. Le jeu mis en place par les intégristes à la tête du mouvement répondait à un risque tout aussi important mais indicible.
Le fonctionnement global des dirigeants de ces mouvements, Opus dei en tête, est de contester l’individualité et de défaire les droits de l’homme (ils parlent de droitdel’hommisme). Oui, rien que cela. Pour eux, la vie est une soumission à une autorité, jusqu’au soutien à des systèmes dictatoriaux, quitte à réclamer le droit à la démocratie pour faire passer leurs idées. La fin justifie les moyens, on en rigole, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. L’autorité commence par une représentation mystique (dieu) pour se répercuter par ceux qui se revendiquent, dans le cadre d’une organisation spécifique de l’ordre établi depuis deux milles ans, les représentants de cette autorité. Alors, oui, c’est de la liberté individuelle dont il s’agissait, et à plusieurs titres :
- modification de l’autorité parentale
- création du statut de beaux-parents
- médiation obligatoire lors de la judiciarisation des conséquences d’une séparation
- lutte contre les châtiments corporels
- pré-majorité à 16 ans
- réforme de l’adoption
- facilité d’accès aux informations sur ses origines
Ainsi, pas de PMA ni de GPA. En revanche, des réformes sur les rapports à l’autorité, qui impliquent une sorte de droit d’ingérence dans les modes éducatifs, telle l’usage de la violence dans les rapports parents/enfants, la modification d’une représentation sur le lien exclusif du sang pour l’autorité parentale, la possibilité pour les adolescent de s’extraire encore plus tôt de la soumission aux parents. Globalement, il y va d’une évolution du rapport à la soumission dans le contexte familial (autorité parentale, statuts de beaux-parents), d’une extension de la libre décision appliquée aux adolescents (pré-méjorité), de la non-soumission à la décision arbitraire d’autrui (châtiments corporels, cacher les informations sur ses origines) et de la libre décision assistée par médiateur pour étendre le libre arbitre par delà les rapports conflictuels, au lieu de la soumission souvent illusoire (appel, cassation, organisation d’insolvabilité, désobéissance, nouvelle procédure…) à une autorité judiciaire.
Les vrais perdants dans le retrait de la loi famille par le gouvernement
La principale perdante dans cette affaire, c’est la médiation appliquée dans les contextes familiaux devenus invivables par les parties. Oui, le résultat de cette manif a été de faire balayer un processus d’aide à l’apaisement, par une libre décision. Oui, le principal perdant est le citoyen qui va devoir continué à se soumettre à la décision d’un juge tandis qu’il aurait eu la possibilité d’être assisté pour pouvoir de manière pérenne mettre un terme à des conflits qui lui pourrissent la vie. Oui, c’est le sens du combat qu’ont mené les catholiques intégristes, avec le soutien de nombreuses personnes, dans l’ombre tel par exemple Fabrice Vert, magistrat de la cour d’appel de Paris, qui est allé de sa diatribe dans la Gazette du Palais, contre la médiation obligatoire, autrement dit contre le droit à la médiation. Son article intitulé opportunément “La tentation de la médiation obligatoire” n’apporte aucun argument pro domo. Selon l’auteur, qui présente des résultats navrant, à se demander pourquoi lui avoir confié une mission qu’il n’a pas su maîtriser, il y aurait au Ministère de la Justice un groupe de travail sur la médiation obligatoire. Faux : aux dires mêmes du président de ce groupe, Marc Juston, le groupe de travail planchait sur les mesures d’accompagnement de la co-parentalité.
La tempête médiatique des municipales passée, il faudra bien revenir sur ce projet indispensable à l’adaptation des institutions et des moeurs : la médiation obligatoire sous la nouvelle forme sémantique, plus juste, le droit à la médiation. Ne perdons quand même pas trop de temps avec ces pantomimes, c’est déjà en marche par d’autres voies…
Pour le moment, les grands perdants de cette manifestation, ce sont les familles en souffrance ! Mais voilà, qui aime bien châtie bien, n’est-ce pas…